Au Pau G.C, la patine de l’Histoire se découvre aussi bien en marchant de trou en trou qu’en levant les yeux sur les panneaux de résultats qui décorent les murs du club-house. Indiscutablement, un souffle britannique réveille les souvenirs et pousse à l’investigation : comment cette cité béarnaise proche de l’Espagne et loin de la blanche Albion a-t-elle été choisie en 1856 pour abriter le premier parcours de golf d’Europe continentale, en dehors du Royaume-Uni ?
Les faits méritent qu’on s’y arrête et poussent à oser penser que les guerres ont malheureusement aussi des bons côtés.
Des officiers de Wellington golfèrent en 1814
Explication : pour chasser les troupes françaises qui avait envahi l’Espagne et le Portugal en 1807 sur l’ordre de Napoléon, le général anglais Wellington avait réuni 90 000 hommes à la tête de son armée ibérico-anglaise entre Pampelune et la frontière basque. Soult arrivé en renfort après la cuisante défaite de Vitoria n’arriva pas à stopper l’avancée des alliés qui gagnèrent une bataille décisive à Orthez en février 1814 et Napoléon fut contraint d’abdiquer deux mois plus tard.
On raconte alors que des officiers anglais et écossais profitant enfin de l’arrêt des combats et trouvant le climat agréable passèrent quelques temps cette année-là « face à la chaîne des Pyrénées et dans les prairies arrosées de la plaine de Billère » près de Pau et inventèrent un petit parcours de golf le long du Gave. Certains de ces officiers seraient restés, d’autres seraient revenus quelques années plus tard pour y terminer leur vie.
A l’initiative du duc de Hamilton, du lieutenant colonel J.H. Loyd Anstruther, du colonel Hutchinson, du major Pontifex et de l’archidiacre Sapte auxquels se joindront J. Steward et le major Stevenson
est créé en 1856 du premier golf en dehors des îles britanniques. Suivront en France, la création des golfs de Dinard (1887), de Biarritz (1888), de Cannes (1891) et de Saint-Jean-de-Luz (1893).
Certes, le golf palois est moins fermé que jadis mais l’influence anglaise perdure : on compte encore une cinquantaine de membres british sur les 750 membres du Pau Golf Club. Si vous voulez les rencontrer, aucun problème : ils ont l’habitude de déjeuner ensemble tous les mercredis au club-house. Entre eux, of course ! Ont toutefois disparu les autres activités que nos amis d’outre-Manche avaient institué en Béarn comme le tir aux pigeons, la chasse à courre, le polo, le cricket ou le rowing. Est restée une certaine idée de l’étiquette et de la rigueur nécessaires à un vrai club.
Le parcours actuel a gardé grosso modo son dessin naturel revisité en 1860 par William Dunn dont la famille a fourni de nombreux pros, architectes et qui avait battu Tom Morris lors d’un célèbre défi à Saint-Andrews en mai 1851. Seule différence notable : les doubles greens d’origine à l’écossaise qui donnaient à ce parcours, alors dépourvu d’arbres, des airs de link, ont disparu.
À noter qu’en 1877, un parcours de 9 trous dédié aux ladies est enfin ouvert qui permet de jouer au golf à celles qui n’avaient pas accès aux parcours des hommes -réservé aux seules championnes !-. Leurs tenues doivent toutefois répondre à des critères d’élégance et de qualité bien précis. La crinoline est conseillée.
Quant aux membres du committee, ils doivent porter la veste rouge, le pantalon en soie de couleur blanche et un chapeau à larges bords. Un très beau tableau du major F. Powell Hopkins donne une idée précise de la vie du club au XIXe siècle. Ce témoignage est rare : les archives du club ayant été détruites, au nom du secret, par un comité où les francs-maçons étaient majoritaires. Récemment, toutes les pièces historiques en possession du club ont été inscrites sur la liste de la commission historique du patrimoine.
Un autre personnage a marqué l’histoire du Pau Golf Club : Joe Lloyd, encore un Anglais, au look plus béarnais que british, qui partagera sa vie entre Pau et les Etats-Unis où il remportera l’US Open en 1897. Il était né près de Liverpool à Hoylake où Arnaud Massy, le grand champion français originaire de Biarritz, emporta le British Open en 1907. Joe Lloyd deviendra le premier professeur de golf en France et participera à de nombreuses parties avec paris à la clé. Grâce à ses relations, une partie de légende se déroulera en février 1896, pour le quarantième anniversaire avec Taylor, Auchterlonie, Simpson et un jeune inconnu du nom de Vardon. Il abandonnera ses fonctions en 1925 après avoir formé Dominique Coussies, professionnel réputé dont le fils Alfred rejoindra l’équipe de France avant de lui succéder. Une stèle à la mémoire de Joe Lloyd a été érigée au départ du premier trou.
5 386 mètres au pied du château
Le temps de prendre une photo de cette stèle historique, et avant votre tee-shot, vous garderez aussi en mémoire qu’en 2006, pour le match exhibition qui le réunissait à Seve Ballesteros, à Bernard Pascassio et à l’enfant du coin, Stéphanie Arricau, Jose Maria Olazabal dépassa le green avec son drive : belle leçon qui vous conduira à prendre plutôt un petit bois ou même un fer pour ce premier par 4 de seulement 262 mètres.
La ballade dans un jardin anglais s’avère plus technique et stratégique que robuste. Élégance d’un parcours par 69 de 5 386 mètres qui contient trois pars 5, neuf pars 4 et six pars 3.
Gros frappeurs s’abstenir : un cours de modestie et d’humilité attend le golfeur de passage. La lecture des résultats des compétitions de haut niveau conduit d’ailleurs à la prudence.
Le trou n°3 est tricky : les nouveaux départs ont été ramenés à droite et il faudra être précis pour éviter aussi bien les sous-bois de droite que de gauche. Le vent peut décider alors de votre sort : gardez votre sang froid car le green, bien protégé par 4 bunkers bien placés, n’a pas dit son dernier mot.
Parmi les plus beaux trous du parcours, il faut retenir les 7, 9 et 10.
Le 7 offre, de son départ surélevé, une belle perspective sur ce premier par 5, un dogleg gauche de 465 mètres : le drive devra être long et précis, en évitant surtout le hors limite à droite. Le 9 est le trou le plus difficile du parcours : un par 4 de 406 mètres dont le second coup sera déterminant : ne comptez pas sur un coup roulé pour atteindre le green, des bunkers à l’anglaise le défendent parfaitement devant, à droite et à gauche. Et le putting demande une lecture des lignes et un toucher délicats.
Quant au 10, il s’agit du trou signature de Pau : un par 5 de 481 mètres où on saute une rivière à deux reprises avec un hors limite à gauche et de l’eau tout le long du trou à droite. Et toujours de petits bunkers efficaces devant le green.
On retrouve l’eau aux deux prochains trous, le 11 un adorable par 3 au green tout petit et au départ du 12, un par 4 de toute beauté, arboré et arrosé, d’un naturel paisible. Le trou n° 13, un long par 3 de 175 mètres sans difficulté particulière si ce n’est le double plateau du green, laissera un autre souvenir : à travers les arbres et sur fond de montagnes, on devine l’imposant château du bon Henri, roi de Navarre puis roi de France. À sa naissance en 1553, son père, le catholique Antoine de Bourbon, lui frotta les lèvres avec de l’ail puis avec du vin de Jurançon pour le prévenir de maladies futures, pendant que sa mère, la calviniste Jeanne d’Albret lui inculquait déjà les premiers principes de la plus stricte des morales.
Mais revenons au parcours de Pau dont les cinq derniers trous sont relativement faciles et préfigurent une conclusion en douceur. Très grande douceur à l’instar du climat de la ville quant au départ du 18, on hésite entre un wedge ou un 9 pour atteindre le dernier green, très étroit et très pentu.
Arrêt au club-house
Devant le club-house, l’allée de lauriers et les arbres centenaires saluent avec respect cette bâtisse ancienne au charme particulier qui rappelle indiscutablement les cottages anglais : lambris verts, bow-windows et toits d’ardoise. Allez savoir pourquoi mais le bar sent le whisky et la pipe !
La visite de la salle des cartes, des couloirs et des vestiaires donnera une idée de la culture qui présida à la naissance du club.
La coupe Kilmaine
Vestige sportif datant de 1894, la coupe Kilmaine se joue chaque année entre les clubs de Pau et Biarritz. Lors des premières rencontres en foursome qui se jouaient alternativement dans chaque ville, les joueurs conduisaient eux-mêmes leur équipage tandis que d’autres prenaient la diligence. Le trajet durait alors sept heures et un arrêt gastronomique était prévu à Orthez à l’hôtel de la Belle Hôtesse !
Cette compétition qui est la plus ancienne rencontre interclubs d’Europe se joue aujourd’hui par équipe de 12 en simple et en double.
Le centenaire de l’épreuve a été célébré en 1994 en présence du petit neveu de Lord Kilmaine qui, à cette occasion, a retrouvé à Pau la tombe de son ancêtre décédé en 1907.
Pau GC 1856
Rue du Golf
64140 Billère
Tel : 05 59 13 18 56
Cotisation : 1615 €
Green-fee : 56€ (basse saison), 70€ (haute saison)