Après Arnaud Massy (1907), Catherine Lacoste (1967), Patricia Meunier-Lebouc (2003), Céline Boutier soulève un trophée Majeur : The Amundi Evian Championship 2023.
Céline, je l’ai croisée pour la première fois au golf de Marmande en 2006 lors de la traditionnelle triangulaire des moins de 13 ans, une épreuve mixte qui rassemblait les sélections des Ligues d’Aquitaine, Midi-Pyrénées et Paris et servait de préparation aux Interligues par équipes mises en place au début des années 2000 par Midi-Pyrénées et Aquitaine grâce au dynamisme du regretté Frédéric Blanchard-Dignac (Président de la Commission Sportive Nationale). Céline était alors une jeune joueuse du Paris Country Club, où son père enseignait, club qui en quelques années était devenu une pépinière incontournable pour la Ligue de Paris.
Céline a découvert le golf grâce à son père Christophe, un immigré thaïlandais, ex-mécanicien devenu un entraîneur intransigeant au Paris Country Club (PCC), club de golf privé, sis au cœur de l’hippodrome de Saint-Cloud, à la lisière de Paris.
Entre deux leçons, il prend le temps de se poser sur la terrasse du club-house pour parler de sa fille, qui a tapé ses premières balles dans cet endroit si éloigné de ses origines, culturelles et sociales. « Elle a grandi ici. C’est comme sa maison de campagne », dit joliment le paternel qui a initié ses trois enfants à ce sport. Christie, la jumelle de Céline, a rapidement abandonné, préférant la guitare et les études. Kévin, le cadet de trois ans, d’un bon niveau amateur et Céline, qui a délaissé le tennis et le piano, où elle avait pourtant du potentiel, se sont lancés dans le golf.« Ce qui m’a plu dans le golf, c’est la compétition mais aussi l’indépendance, dans le sens où on peut le pratiquer seule, sans besoin d’un partenaire ou d’un adversaire », me confiait la joueuse, lors du dernier Lacoste Ladies Open.
S’exiler pour dessiner sa vie, une ligne directrice dans la famille Boutier…Christophe, le père, de la Thaïlande vers la France et Céline de la France vers le Texas…
Déconvenue en 2019 lors de l’US Open
Début juin 2019, elle avait flanché sur les trois derniers trous de l’US Open alors qu’elle était en tête. « C’est la première fois que j’étais en tête d’un Majeur et que j’avais une vraie chance de l’emporter. Cela a été dur à avaler mais gagner un tournoi, ça s’apprend. A moi de faire en sorte que cela n’arrive plus. »
Après trois succès sur le circuit LPGA (Handa Vic Open en 2019, ShopRite LPGA Classic en 2021, LPGA Drive On en 2023) Céline a remporté son premier Majeur à Evian lors de l’Amundi Evian Championship 2023 le 30 juillet.
Quatre ans après sa déconvenue lors de l’US Open, son rêve est devenu réalité. Céline Boutier a décroché le Graal, à savoir une levée majeure, en s’imposant à Evian, à portée de drive du lac Léman dont les eaux cristallines ont collé parfaitement à ce dimanche paradisiaque. À 29 ans, la Française (15e mondiale avant ce sacre) a devancé la Canadienne Brooke Henderson (-8), la tenante du titre.
La gestion de la pression était, comme toujours en pareilles circonstances, le paramètre fondamental de ce dernier tour. Partie avec trois coups d’avance sur la concurrence, Céline Boutier s’en est accommodée avec une aisance déconcertante, signant trois birdies lors des cinq premiers trous, régalant au chiping et au putting, pour porter sa marge à six unités après le trou n°6, Nasa Hataoka allant à la faute sur ce Par 4. Brooke Henderson se posa ensuite également en adversaire directe mais resta toujours à distance plus que respectable (quatre longueurs au minimum).
Seule joueuse du dernier Top 8 à s’élancer à ne pas commettre le moindre bogey à l’aller, Céline Boutier est restée zen sous le soleil et malgré le vent. Prudente, vu sa marge, sans jamais tomber dans le jeu de défense à outrance et contre-nature, la Tricolore s’est appuyée sur un wedging diabolique pour éviter toute frayeur, même quand son drive l’égarait quelque peu, comme au 3. Ne pas forcer les occasions, les prendre quand elles se présentaient, un tableau de marche constamment respecté. En contrôle total, du parcours et de ses émotions, Céline Boutier a toutefois cédé un bogey au 13, après avoir mis son drive dans le bunker et être restée courte sur sa sortie pour aller au green. Ce premier écart a permis à la Japonaise Nasa Hataoka de revenir à quatre unités au départ du 14 sans représenter toutefois une menace extrêmement pressante… d’autant qu’elle alla, elle aussi, à la faute sur les deux trous suivants !
Bref, la Française n’a jamais tremblé dans sa marche triomphale. Un dernier birdie au 15 a scellé son succès.